Pressée. Thelma était pressée. Comme d'habitude, elle s'était laissée emporter par le temps qui court, qui coule et joue avec nos nerfs. Comme d'habitude, elle avait tout cassé sur son passage : le joli vase de maman Hustle, ce drôle de bidule en forme de cube en plastique avec une plaque en verre que les moldus appelaient “téllée”. Elle avait même laissé la porte de sa chambre au chaudron baveur grande ouverte, offrant aux regards indiscrets une vision de fin du monde dès plus imparfaites.
Déjà, elle descendait les escaliers quatre à quatre, manquant parfois de s'étaler sur le sol. il n'aurait manqué plus que ça, par merlin ! Ses chaussures faisaient un bruit fracassant, mais Thelma n'entendait que le son du sang frappant ses tempes. Le stress montait. On était lundi. Et le Lundi, c'est le jour où Jasper arrive un peu plus tôt que prévu afin de dépoussiérer un peu la boutique : c'est aussi le jour qu'avait choisi Thelma pour arriver irréprochablement à l'heure et l'aider à la tâche, avant que les clients et autres jeunes filles en fleure n'arrivent.
Elle salua d'un geste bref un des employés de l'auberge, et sorti en trombe. Essaya, du moins. Car avant même de pouvoir poser un pied au dehors, une atroce douleur s'empara de son abdomen. Le paysage devint flou, et son sens de l'orientation finit parla lâcher complètement, ne laissant à son oreille interne qu'une vaste impression de chute et de vide. Elle ouvrit les yeux, la tête lourde et douloureuse. Elle ne vit que des pavés. Des pavés et des pieds. Pour une fois, Thelma ne fut pas longue à comprendre : elle avait chuté sur plusieurs mètres, volant mieux qu'un souaffle en plein match de quidditch. Et s'était retrouvé les deux pieds en l'air, la tête enfoncée dans le sol.
Derrière elle, la cause de sa chute : un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu et qu'elle ne voudrait jamais revoir. Il était habillé comme à la vieille époque, et promenait une sorte de brocante sur roues. C'était un de ces vendeurs ambulants, sans doute. Ils n'avaient pas de manières, ces vendeurs ambulants. “espèce de bouse de dragon, ça vous arrive de faire attention où vous trimballez votre machin, là ? Vous bouchez l'entrée et pire : vous faites tomber tout le monde. VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE. Non mais vraiment, hmpf ” En vérité, Thelma était plus contrariée parce qu'elle savait très bien que Jasper avait désormais ouvert a boutique aux clients plutôt que par ce pauvre bonhomme, qui subissait ses fureurs. Mais maintenant qu'elle avait un souffre douleur sous la main, elle n'allait peut-être pas le lâcher.

Thelma avait toujours été du genre à démarrer au quart de tour, à sa laisser emporter par ses émotions et ses sentiments à l'excès. Comme si elle était incapable de calme, d'apaisement et de sérénité. Elle pouvait se mettre à crier en pleine rue, faire un scandale pour un regard mal placé, d'assister elle-même à la mort de quelqu'un pour avoir l'opportunité de voir un sombral. Mais là, Elle ne réagissait pas. Elle était simplement sur le cul. “ mais mais mais. Humpf. Je vais mourir n'est-il pas ? Je tiens à écrire mon testament avant ça. ” Étant elle-même du genre à agir de la sorte, elle saisit de suite l'absence d'ironie qui pesait dans cette phrase. Abasourdie, bouche bée et sourcils relevés, Thelma regardait fixement le jeune garçon fouiller ses affaires. Sans bouger, ni même cligner des yeux.Un exercice extrêmement difficile pour la fille aux cheveux roux, qu'on avait plus l'habitude de voir s'agiter dans tous les sens plutôt que de restée plantée, là, comme une gargouille endormie.

C'est la curiosité qui sorti -enfin- la jeune femme de son étrange torpeur. Le gringalet avait commencé à écrire quelque chose : c'est qu'il le faisait vraiment, son testament. Thelma s'approcha lentement, gesticulant tel un crabe. Elle se voulait être discrète, mais s'enfonçait dans les sables mouvants du ridicule. Par dessus son épaule, elle lu le parchemin. “ Pour cette jeune femme je lègue ma baguette, pour mon frère cracmol mon caddie (...) pour ma mère mes cheveux, elle en fera une perruque (...) ” C'est vrai qu'ils auraient fait une magnifique perruque, ses cheveux. “ je fais si peur que ça ? Vous pensez vraiment que je vais vous tuer, là, comme ça ? ” Elle le dévisageait, sans que l'idée d'être impolie ne lui frôle la matière grise. “ et j'en ai rien à faire de votre baguette, je suis sûre qu'elle est encore plus ...abracadabrantesque que vous, alors la mienne me suffit largement. Vous avez pas un peu d'argent, plutôt ? ”

Il se retourna vers elle. Le regard franc, sincère. Thelma frissonna. Un frisson léger, comme lorsque l'on effleure du bout des doigts une surface douce et familière. Un ours en peluche. Il avait l'air si (...) pur. Ses yeux bleus semblaient refléter son âme, une nature vraie. Pas dans le demie mesure, certes, mais un cynisme innocent. Elle aurait presque voulu en tomber amoureuse.

Il feignait faire un de ces soit-disant tour de magie dont les moldus sont friands, en passant la main de les cheveux de Thelma, puis derrière son oreille. C'était innocent peut-être, mais elle était pas moins perdue : mais qu'est ce qu'il fichait ? Thelma en était presque agacée, bien que fascinée. Et il le voyait. Alors le jeune homme fouilla dans ses poches, précautionneusement. Tout aussi délicatement, il prit la main de Thelma et y déposa quelques pièces. Elle commençait très sérieusement à se dire que si elle lui demandait de sauter du dernier étage du chaudron baveur, il allait le faire. Et là, elle culpabilisait grave.
Elle venait de trouver un spécimen aussi étrange qu'elle et en remerciait le ciel, les nuages, les oiseaux.

Thelma remua la tête, et remua d'un pas, tendant à nouveau sa main vers l'inconnu dont elle ignorait s'il était incroyablement gentil ou simplement idiot. “ non, écoutez, heu (...) reprenez ça, je rigolais, je, je, hmm, enfin, non mais je rigolais quoi, hein. F-f-f-f-aut pas faire tout ce que je dis. reprenez ça, s'il vous plaît. ” A son tour, elle faisait glisser les gallions dans la main de l'autre. Tant bien que mal, elle essayait d'afficher un sourire avenant. “ et, je sais pas, achetez vous (...) le guide pratique de “savoir dire non en cinq leçons ? ”